En 1598, par ce tableau, Judith décapitant Holopherne d’un réalisme stupéfiant, le jeune artiste milanais dynamite l’esthétique sage de la Renaissance. À la Renaissance, l’histoire de Judith et Holopherne est à la mode. Les plus grands peintres s’emparent de cette légende biblique. Puis, le Caravage, sur une commande du banquier génois Ottavio Costa réalisa sa Judith. Il opère à 27 ans une prodigieuse révolution artistique. Personne n’a jamais vu de tels clairs obscurs et un tel réalisme. On n’a jamais montré non plus de personnages aux expressions aussi appuyées.
Cette œuvre raconte un épisode de l’ancien testament. Judith, une jeune veuve, vit à Béthulie, en Palestine. Pour sauver son peuple attaqué par les Assyriens, elle décide d’assassiner leur chef, le général Holopherne. Au cours d’un festin, la belle le séduit et le suit dans sa tente, puis profite de son sommeil pour le décapiter. Le lendemain, l’armée assyrienne, alors privée de commandement, est massacrée par les Hébreux.
Cette violence, c’est la marque de fabrique du Caravage, un homme guère recommandable, il effectue plusieurs séjours en prison et tue un homme en duel en 1606. De Méduse à Goliath, on ne compte plus les têtes tranchées dans ses tableaux. Une façon pour lui de couper, cette fois littéralement, le cordon avec l’art de la Renaissance et son iconographie, trop sage à ses yeux. Pour le Caravage, nul besoin de charger la toile, c’est la lumière qui s’occupe de tout. L’éclairage exaltant la matière des textiles et des chairs avant de faire jaillir l’héroïne en pleine lumière ! Observez toutes ces variations de blancs et cette lourde tenture de velours rouge, dont la couleur répond à celle du sang. Une économie de moyen extrême pour un effet inouï : voilà la plus grande révolution du Caravage.
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